Histoire de notre Village
S’il est une légende (les légendes sont faites pour ça) imaginant notre village prenant son nom à la suite de la venue des Rois de la Bible (voir le MAG’INFOS de janvier 2021), il faut bien sûr garder un peu plus de rigueur et de pertinence et aller chercher ailleurs l’origine du nom.
Le plus ancien connu a été relevé sur la carte de la Seigneurie d’Alais datant de 1337 : LOCUS VOCATUS ALS MALHS, moitié latin, moitié occitan. Ainsi la partie latine traduite donne littéralement : « lieu appelé » ou « lieu dit ». La partie occitane reste un peu plus délicate pour la traduction de Malhs. Si Als se traduit aisément par « à les » ou « aux » comme contraction, Malhs ou Malhes, au pluriel, désigne aussi bien une masse, un maillet ou un marteau qu’un banc de rocher ou de sable. Etant donné que beaucoup de noms de personnes ou de lieux tiennent leur origine de leur situation géographique, de l’environnement naturel ou de leur destination sociale ou économique, il est permis avec une faible marge d’erreur de retenir « banc de rocher ». Hypothèse séduisante car notre village était situé sur l’actuel quartier du Moinas construit sur le rocher.
Reste tout de même dans l’obscurité le passage de Malhs ou Malhes à MAGES. On trouve LES MAGES dès 1715 sur la carte du diocèse d’Uzès ; en effet, depuis 1539, avec l’Edit de Villers-Cotterêts sous François Ier, tous les actes administratifs du Royaume sont établis en « langage materne françois et nul autre », en clair : en bon et dur français. Ainsi, il est possible d’avancer que la transformation s’est opérée par une nécessité politique et administrative de trouver un nom français ou francisé : il n’y a pas loin phonétiquement entre maillés, majès et mages. Pour l’anecdote, il faut citer un exemple parmi tant d’autres de cette pratique de francisation de la langue d’oc : lu et vu sur un panneau de signalisation officiel pour un lieu du côté de Loubaresse : « Praobaret » qui était sans doute en oc Prats al(s) Baret (les prés de ou du Baret). Enfin notre village deviendra par la suite commune distincte de la Baronnie de Saint Jean de Valériscle en 1834, en pleine monarchie de juillet française. En 1864 il deviendra également paroisse du doyenné de Saint Ambroix. Quant à l’actuel temple de l’Eglise réformée, c’est en 1819 qu’il fut inauguré.
L’histoire de notre village ne peut être séparée de celle plus générale de l’ensemble des pays d’oc. Passés les siècles spécifiquement occitans, les 14ème et 15ème siècles verront s’amorcer l’intégration au royaume de France et les misères de la guerre dite de cent ans. La grande affaire du 16ème siècle sera les guerres de religions. Le succès en pays occitan de la religion réformée se lit sur la carte des académies protestantes. La France en compte huit, six sont en pays d’oc à la fin du siècle, dont Nîmes.
Après la Saint-Barthélémy (1572), les protestants s’organisent militairement et politiquement. Dans cette période troublée, la misère du peuple a été épouvantable, la bourgeoisie en est sortie plus enrichie et plus forte comme classe au pouvoir. Avant la remise en question de l’Edit de Nantes, notre région se soulève, le Roi français « pacifie » et les dévastations durent jusqu’à la Paix d’Alès (1629) par Richelieu. La révocation de l’Edit marque le commencement de la répression contre les protestants, chez nous la révolte des camisards va prendre de 1702 à 1710 un caractère d’insurrection populaire. Les Mages a donné naissance à deux d’entre eux célèbres : les Daude père et fils.
La révolution de 1789 éclate dans un climat de tension sociale. Les Mages deviennent « Le Mage » dans la grande vague de laïcisation (Saint Ambroix devient Pont-Cèze). Le Roi est supplanté par la Nation et la guerre au « patois » est menée avec un fanatisme jamais vu. Napoléon prend la suite des Jacobins et affermit les pouvoirs de l’Etat sur la Région. Toute vie démocratique disparaît. L’économie sous le signe du libéralisme permet l’écrasement des pauvres.
Au 19ème siècle et au début du 20ème le capitalisme s’impose en déstructurant notre économie et notre société traditionnelle occitane. Le charbon, la métallurgie, le textile avec la soie, les chemins de fer, les minoteries apportent un développement économique certain. Les premiers mouvements et organisations ouvrières apparaissent ; les luttes se font de plus en plus dures dans le bassin minier, mais également la répression sous le second empire.
Notre commune paiera aussi sa contribution à la grande « boucherie » de 1914 qui marque une étape sanglante de cette évolution. Dans les années 20 notre commune garde pour l’essentiel les activités économiques passées, le charbon restant la pièce maîtresse. Pour une population totale de 1200 habitants environ, Les Mages comptait : une société musicale, deux auberge et restaurants, trois boulangers, un bourrelier-sellier, onze cafés, un charron-forgeron, un chaudronnier, trois coiffeurs, cinq épiciers, trois moulins à huile, etc… et deux foires, l’une le 18 décembre et l’autre le lendemain de la fête votive.
En 1939-1940, la débâcle entraîne le repli du gouvernement français à Bordeaux puis l’installation de l’Etat français à Vichy. La zon libre correspond en gros à l’Occitanie. La droite Maurassienne occitane pousse dans l’ombre du maréchal Pétain et quadrille le pays. La résistance s’organise. La tradition de lutte est un trait spécifique de ce qu’on pourrait appeler « la révolte des colonisés de l’intérieur ». A la grève des ventres de 1942 correspond en 1943 la résistance aux départs forcés vers l’Allemagne nazie des prétendus volontaires du STO. Peu à peu la majorité de la population est gagnée à l’esprit de rébellion. Au mois de juin 1944, le pont de Saint Julien de Cassagnas sautait ainsi que celui de Barrière en août de la même année. Notre village fournira à la résistance et au maquis un bon nombre de ses éléments. Impossible de les citer tous ici, rendons quand même hommage aux frères NOUVEL et en particulier à Gustave, atrocement et lâchement torturé à Alès, au fort Vauban.
Les lendemains de la seconde guerre mondial, après le « retroussons nos manches » de la reconstruction, verront un lent et relatif déclin, confirmé par la crise qui s’annonce déjà à la fin des années 60 et qui éclate au grand jour en 1973-1974. Déclin marqué par l’exode, le ralentissement de l’activité économique générale avec la liquidation du bassin minier Cévenol, la désindustrialisation et la disparition de petites exploitations agricoles. Dans le bassin minier, la résistance à la politique anti ouvrière et d’intégration européenne fit des années 48 et 52 le moment des luttes les plus intenses : pendant des jours et des semaines tout le pays fut un véritable état de siège avec son train de répression parfois sanglante et mortelle. 1963, 1975 et les années 80 sont les étapes d’un grand tournant qui voit la liquidation de fait du charbon cévenol par le dynamitage du puits de Saint Florent, sans parler des autres eux aussi cassés ou noyés. De cette mémoire collective devait surgir la première bataille pour l’Adrecht, dernier bastion de la résistance à la liquidation d’un pan entier de notre économie.
Texte de Georges TUECH, tiré du bulletin municipal de 1983